LA PYRAMIDE DU LOUVRE

Aujourd’hui la Pyramide du Louvre fait partie du paysage de Paris, au même titre que la Tour Eiffel, comme le disait l’écrivain - voyageur Paul Morand « La France n’est vraiment connue à l’étranger que pour Napoléon, la Dame aux Camélias et la Tour Eiffel ». Pourtant, au moment de leur construction, ces deux édifices furent violement contestés.
Je commence par vous rafraîchir la mémoire à propos de la pyramide, ou raconter son histoire pour les plus jeunes.
L’histoire commence en septembre 1981, au cours d’une conférence de presse le président de la république d’alors, François Mitterrand, annonce : « J’ai également pris la décision, sans vouloir désobliger personne, de rendre le Louvre à sa destination ».
Ce projet décidé dans l’entourage du président était motivé par le triste état dans lequel se trouvait le musée : poussiéreux, démodé, à l’étroit à cause de l’occupation de toute l’aile nord par le ministère des finances depuis 1871. L’entrée se faisait par une porte de l’aile Denon et la cour Napoléon était occupée par un square miteux et un parking sauvage (j’ai connu ce Louvre quand j’étais jeune…).
Après la phase d’études, le projet est confié à l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei. Très vite chez Pei s’impose l’idée de donner de l’espace au Louvre par le sous-sol et d’excaver la cour Napoléon. Il conçoit une pyramide translucide pour éclairer ce sous-sol et donner au musée une entrée digne de lui.
Une fois connue du public, l’idée déclencha une vaste polémique avec les opposants traitant la pyramide de « scandale » ou « d’atrocité ». Dans le camp des « contre » on retrouve un ancien ministre de la culture, un critique d’art au « Monde », lequel démissionnera par la suite car son journal ne le suit pas et le journal « le Figaro » et ses lecteurs.
Dans le camp des « pour » le président Mitterrand et son entourage, les conservateurs du Louvre, et le maire de Paris d’alors Jacques Chirac. C’est d’ailleurs lui qui apporte une aide décisive au projet en faisant réaliser une simulation grandeur nature grâce à quatre câbles tendus et en accordant le permis de construire.
Historiquement cette polémique rappelle celle qui accompagna la naissance de la Tour Eiffel, un siècle plus tôt.
A l’époque il s’agissait de réaliser un édifice exceptionnel (et provisoire) pour l’exposition universelle de 1889. Sur les 107 projets proposés, c’est celui de l’ingénieur Gustave Eiffel qui fut lauréat. En février 1887, pendant la construction, le journal « Le Temps » publia une « Protestation des artistes » signée des noms les plus célèbres de l'époque parmi lesquels figuraient les peintres Ernest Meissonnier, Léon Bonnat, William Bouguereau, le compositeur Charles Gounod, les auteurs dramatiques Édouard Pailleron, Victorien Sardou, les architectes Charles Garnier, les poètes et écrivains François Copée, Guy de Maupassant, Paul Verlaine, Alexandre Dumas Fils. Cette protestation s’exprimait ainsi :
« Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, amateurs passionnés de la beauté jusqu'ici intacte de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût Français méconnu, au nom de l'art et l'histoire Française menacés, contre l'érection, en plein cœur de notre capitale, de l'inutile et monstrueuse tour Eiffel que la malignité publique, souvent empreinte de bon sens et d'esprit de justice, a déjà baptisé du nom de « Tour de Babel ». (…) Car la tour Eiffel, dont la commerciale Amérique ne voudrait pas, c'est, n'en doutez pas, le déshonneur de Paris ! Chacun le sait, chacun le dit, chacun s'en afflige profondément, et nous ne sommes qu'un faible écho de l'opinion universelle et légitimement alarmée. Enfin, lorsque les étrangers viendront visiter notre exposition, ils s'écrieront étonnés : « Quoi ! C'est cette horreur que les Français ont trouvée pour nous donner une idée de leur goût si vanté ? »
Pourquoi des édifices si contestés se sont si bien intégrés dans le paysage parisien ? Tout simplement parce qu’ils ont été plébiscités par le public et la Tour Eiffel – qui à l’origine était conçue comme provisoire – connut une seconde vie grâce aux débuts de la radio, sa situation exceptionnelle servit aux premiers essais de transmission en 1905. Puis des antennes, notamment militaires furent installées à son sommet. Quant à la Pyramide du Louvre elle symbolise désormais le musée et figure en bonne place sur les cartes postales et les couvertures des guides.
Olivier Peureau